Wednesday, November 6, 2019

Comment Fillon nous montre, paradoxalement, que nous devons occuper notre champ numérique

Aujourd'hui, que l'on soit engagé en politique, dans une cause humanitaire, sociale ou civique, responsable d'entreprise, DRH, on est en mesure de susciter une opposition à ses prises de positions ou décisions et, partant, de risquer une mise à mort numérique. C'est pourquoi il convient de dresser une "forteresse web" autour de son entreprise, de sa cause ou de soi-même. Le cas de François Fillon en est un exemple riche d'enseignements.     Cet article paru en janvier 2017 sur le "Media-Blog" de Bernard Grua montrait la situation d'un homme qui avait "grandi" à l'ombre de Nicolas Sarkozy et n'avaient jamais été confronté à de réelles attaques. Il s'est donc lancé dans la campagne des élections présidentielles avec une extrême vulnérabilité numérique et a été incapable d'imposer ses éléments de langage. Cela concerne chacun d'entre nous pouvant se trouver en butte à des attaques diffamatoires de trolls malveillants
Aujourd'hui, que l'on soit engagé en politique, dans une cause humanitaire, sociale ou civique, responsable d'entreprise, DRH, on est en mesure de susciter une opposition à ses prises de positions ou décisions et, partant, de risquer une mise à mort numérique. C'est pourquoi il convient de dresser une "forteresse web" autour de son entreprise, de sa cause ou de soi-même. Le cas de François Fillon en est un exemple riche d'enseignements. 


Cet article paru en janvier 2017 sur le "Media-Blog" de Bernard Grua montrait la situation d'un homme qui avait "grandi" à l'ombre de Nicolas Sarkozy et n'avaient jamais été confronté à de réelles attaques. Il s'est donc lancé dans la campagne des élections présidentielles avec une extrême vulnérabilité numérique et a été incapable d'imposer ses éléments de langage. Cela concerne chacun d'entre nous pouvant se trouver en butte à des attaques diffamatoires de trolls malveillants.


Un environnement qui bascule dans la radicalité, l'instantané mais aussi la pérennité


Nombreux sont ceux qui ont en tête ce que François Fillon disait à Las Vegas le 6 janvier 2017 au sujet de l'arrivée d'Internet en France. François Fillon pensait probablement pouvoir se permettre cette forme de galéjade bénigne et lointaine. Objectivement, il n'y avait pas de quoi fouetter un chat. Pourtant cette anecdote est devenue dévastatrice. Il faut en comprendre le mécanisme. 

Il y a quelques années, le buzz aurait été limité. Mais voilà, les temps ont changé ainsi que les outils, d'autant que la place était à prendre. Créer une réalité alternative, semer le doute et la confusion, ces méthodes ont réussi aux projets de personnalités comme Donald Trump, Nigel Farage ou Vladimir Poutine. Avec la disparition du "politiquement correct", il est devenu possible de dire tout et son contraire: affirmer une contre-vérité un jour, la démentir le lendemain ou nier l'avoir exprimé. Peu importe. Mieux - le spectateur en redemande. 

Est-il possible de s'en inspirer? Rien n'est moins certain. En effet, cette technique impose de saturer l'espace numérique par une communication permanente et provocante pour qu'elle soit reprise, partagée et surtout commentée. Là, le jeu devient un peu subtil. En effet chaque diffusion, chaque dénégation et chaque contradiction de ces propos absurdes les poussent vers la tête des moteurs de recherche. Pourtant, cette approche n'est pas viable non plus pour ses auteurs. Trump est victime du modèle qui l'a porté au pouvoir. S'il stoppe la provocation et n'est plus maître de son actualité, il s'effondrera. Au sein même des Républicains les plus durs, les voix sont de plus en plus nombreuses pour lui demander de faire le métier de président pour lequel il a été élu. C'est une mission impossible. Farage a pris la fuite sans même être capable de proposer un plan de sortie de l'UE. Construire était au dessus de ses forces. Quant à Poutine, il enferme son pays dans une logique d'invectives et d'agressions extérieures qui pourra conduire un continent entier à l'affrontement militaire et/ou son pays à la ruine.

Cela ne doit pas inciter le simple citoyen à la passivité. Notre monde est sorti de la presse écrite où il ne fallait pas plus de trois mois (délai légal de recours pour diffamation) pour qu'un journal finisse dans la cheminé. Pourtant même si, maintenant, l'environnement est devenu instantané, les éléments les plus destructeurs resteront, pendant des années, en haut des listes car ils suscitent l'intérêt et le voyeurisme. Notre société est dans une période de transition juridique. Ses citoyens se trouvent jetés dans un abyssal vide légal. 

 "Fillon Internet", l'invasion d'un champ de bataille déserté


Après ses mots malheureux de Las Vegas, au lieu de garder l'initiative, François Fillon est resté silencieux pendant de nombreux jours. Pourtant, il était devenu une cible majeure dès lors que Nicolas Sarkozy et Alain Juppé étaient éliminés de la course à la présidence. François Fillon s'est fait déposséder de son sujet. La contradiction et son opposition s'en sont données à cœur joie. Une simple recherche Google "Fillon Internet" donne 646 000 résultats! 

Sur la deuxième page de cette recherche, n'apparaît qu'une seule ligne pouvant être attribuée à l'équipe de François Fillon. Il s'agit du site officiel "François Fillon 2017". En cinquième page, on identifie une ligne concernant le compte Facebook de François Fillon.. En sixième page ont trouve une rubrique qui donne accès, en replay, à un meeting de François Fillon. Il serait possible de poursuivre longtemps ainsi. On s'arrêtera à la huitième page. Ainsi, sur huit pages, seules trois lignes ont été maîtrisées par François Fillon ou ses communicants. Trois rubriques sur 88 (moyenne de 11 rubriques par pages), soit 3,4%. 

Il ressort clairement, de ce qui précède, que des propos mal pilotés (impact du décalage horaire, notamment?) ne pouvaient pas faire de Fillon un Trump et que la place n'était pas défendue. A la première vraie attaque, il était possible d'imaginer une capitulation sans condition. Pour le coup, personne n'aurait pensé que l'assaut viendrait si rapidement, et à travers une brèche absolument béante. 

Hallali dans la cour du château


Le 24 janvier 2017, tombe le "Penelope Gate" qui devient le coup de grâce. François Fillon tente de reprendre la main. Au lieu d'allumer des contre-feux de créer des diversions, il résiste pied à pied et fort maladroitement. Ses contradictions relancent la meute avide contribuant à surmultiplier l'impact désastreux des accusations lancées par le "Canard Enchaîné".

Situation inouïe, après des primaires plutôt bien menées et non contestées, la Droite est en train de réfléchir afin de savoir comment remplacer celui qu'elle a légitimé. 

Un scénario qui nous concerne tous


Que vous vous se réjouissiez ou non de la mise à l'écart de François Fillon, là n'est pas la question. Comme indiqué en introduction, cette mise à mort numérique vous guette, tous, en raison de vos engagements ou de vos responsabilités, dès lors que vous êtes susceptibles de rencontrer une opposition et tant que vous ne tenez pas votre champ de bataille numérique.

Pour tout nouvel interlocuteur, il est devenu courant de lancer une recherche Google. Nouveau prospect commercial, potentiel employeur, potentiel partenaire, potentiel donateur, tous ces gens vous fuiront comme la peste sans même chercher à savoir si ce qu'ils lisent, en tête des moteurs de recherche, est infondé. Il n'est pas impossible, même, qu'ils cèdent à l'envie d'ouvrir les titres les plus croustillants, contribuant à leur trafic, les consolidant, voire les renforçant, chez Google.

On pense à l'ONG "Aide et Action" portée au pinacle de la transparence financière dans les années 1990 et ruinée moralement dès le milieu des années 2000. En élargissant encore, on peut se référer à la maestria dont le Kremlin a fait preuve pour qualifier la révolution démocratique et anti-corruption ukrainienne en un "coup d'Etat mené par des mouvements fascistes, voire néo-nazis, fomenté par les Etats Unis". On pourrait ajouter aussi, et entre autres, l'annexion de la Crimée et la guerre du Donbass soit disant consenties pour "sauver les Russophones des griffes de la junte de Kiev"

Sans les ressources d'un parti ou d'une grande entreprise pour vous appuyer sur de coûteux conseils juridiques, au résultat fort aléatoire, vous êtes à la merci des délires, des chantages et des élucubrations de n'importe quel individu, de n'importe quel concurrent ou de n'importe quel groupuscule. Point n'est nécessaire d'imaginer une conspiration ou une mafia de hackers. Il suffit d'un blog. Ce que le blog affirme n'a pas besoin d'être vrai ni même plausible. Le but est de nuire. L'auteur pourra être totalement anonyme. Vous serez dans l'impossibilité de l'attaquer juridiquement. Et même si vous l'identifiez, en le poursuivant vous aurez contribué à sa notoriété selon une pratique popularisée par l'ancien chef du Front National. Vous aurez ainsi médiatisé un peu plus ce qui vous fait tant de tort. 

Comment se protéger?


Pour toute personne potentiellement exposée, pour toute entreprise, toute association, toute cause il est devenu nécessaire de consolider et de tenir sa réputation numérique, "en occupant le terrain", ainsi que d'être paré à une offensive surprise.

Dans un second article, nous examinerons la stratégie de construction de votre forteresse numérique, les bons réflexes à avoir et les moyens de repousser les assauts.

Enfin, dans un troisième article, nous verrons comment cette forteresse peut être un outil destiné à contribuer à la sécurité d'un Etat soumis à une "guerre chaude" numérique et termineront ainsi les enseignements que nous pouvons tirer de la mésaventure de François Fillon.

© Auteur: Bernard Grua
Nantes le 30/01/2017

Bernard Grua sur Linkedin

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